EPISODE 3 : CANON, TOURNAGE ET CHAMBRAGE : HEAVY METALLE TUBE : Le barreau rayé vient de chez Lothar Walther en Allemagne. La réputation de ce fabricant n’est plus à faire. Ce tube est destiné au 577 Nitro-Express et donc à la PSF. Pas d’inquiétude donc quant à la qualité de l’acier, c’est un gage de sécurité.
Caractéristiques :
- Diamètre extérieur 32 mm (c’est du lourd)
- Diamètre au sommet des rayures : 14,55 mm
- Diamètre à fond de rayures : 14,78 mm
- Nombre de rayures : 8
- Pas des rayures : 508 mm soit 20 pouces. C’est un pas court adapté au projectiles lourds (voire très lourds).
- Longueur 655 mm (plutôt court mais longueur standard chez Lothar Walther).
Le tube pèse plus de 3 Kg. Au delà du chiffre brut, il faut mesurer les avantages d’une telle masse : rigidité mais aussi inertie thermique importante. Une autre conséquence est que le poids de l’arme sera imposant mais ce n’est pas un problème pour le tir couché. C’est même un avantage certain pour absorber le recul qui, je pense, sera plutôt viril.
Tiens au fait vous avez déjà regardé dans un canon en 577 ?
La photo ci-dessous montre le barreau après tournage, vu de la chambre. L’âme du canon est miroir (on peut deviner les reflets du paysage). Par contre, la chambre issue du tournage est mate en raison d’un état de surface médiocre (mais cela ne va pas durer…).
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]LE TOURNAGE :Une autre raison du choix du 577 2,75’’ Black Powder Express comme calibre est son diamètre important (supérieur à 15 mm). Pour ébaucher la chambre et le cône de prise de rayures au tour, il faut pouvoir passer un outil à charioter assez long. Il faut de l’espace pour que cet outil puisse travailler et dégager entre chaque passe. C’est aussi pour ce type de considérations que j’ai choisi la longueur de douille la plus courte (2,75 pouces = 70 mm). Il faut tout de même que l’outil plonge de quasiment 80 mm à l’intérieur du canon.
L’usinage du canon a été réalisé par un professionnel sur un tour à commande numérique. Les opérations suivantes ont été réalisées :
- Contrôle de la concentricité entre l’âme du canon et l’extérieur du tube (parfaite, merci Lothar Walther).
- Dressage de la face arrière du canon.
- Usinage de l’épaulement.
- Usinage de la gorge de dégagement de copeau du filetage.
- Filetage (pour les curieux le filetage du boîtier est un filetage Withworth, de diamètre 1 pouce 5/64 et comportant 14 filets au pouce).
- Usinage du drageoir destiné à recevoir le bourrelet de la cartouche.
- Ebauche de la chambre et du cône de prise de rayures à 5 dixièmes de mm au diamètre des dimensions finales.
Remarque importante : l’épaulement du canon et le drageoir ont été usinés dans la même opération (sans démontage du canon du mandrin du tour). Cette démarche a permis une maîtrise absolue de la dimension pilotant la feuillure de l’arme.
Enfin, le canon a été retourné pour réaliser les usinages de la bouche et de la portée cylindrique qui recevra le porte-guidon.
Canon vissé dans le boîtier
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]De plus près
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]L'ALESAGE DE LA CHAMBRELa munition 577 2,75’’ Black Powder Express n’est pas une munition codifiée par la CIP. Il m’a donc fallu définir le plan de la chambre. Comme base de départ, j’ai utilisé la fiche CIP du 577 Nitro-Express (en 3 pouces donc). J’ai aussi assemblé des cartouches prototypes pour en prendre les mesures exactes. En effet, mon projectile a un diamètre légèrement plus important que le diamètre à fond de rayures du canon (8 centièmes de mm de plus). Ce surcalibrage est très courant pour les munitions PN à balle plomb. Théoriquement, il améliore la précision…
Dans un souci de simplification, j’ai opté pour une chambre biconique, identique dans sa conception à celle du 45-70. J’ai alors dessiné le plan de la fraise de chambre et cette fraise a été réalisée par un professionnel sur une machine à tailler à commande numérique à partir d’un barreau en acier rapide. Ce que, dans le vocabulaire d’armurier, nous appelons une fraise de chambre est en fait un alésoir dans le monde industriel.
Photo de la fraise de chambre avec une douille et une balle. Le réglet est là pour vous donner une idée des dimensions. Vous remarquerez que les lames de l’alésoir ne sont pas droites mais hélicoïdales. On parle alors d’alésoir « américain ». Vous remarquerez également que cet alésoir ne comporte pas de tige pilote et c’est volontaire. La chambre ébauchée par tournage a exactement la même conicité que l’alésoir : ainsi lorsque l’on enfonce l’alésoir dans la chambre, celui-ci trouve sa place sans aucune possibilité de désalignement.
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image] Ensuite c’est tout simple, le canon a été serré dans un étau et la chambre a été taillée : Lubrification à l’huile de coupe, puis 5 tours d’alésage, sortie de la fraise, nettoyage des copeaux et on recommence…. Une vingtaine de passes et une bonne heure ont été nécessaires. Bien sûr, le travail était contrôlé au micromètre et 2 cartouches inertes (une sur douille Bertram, une sur douille Kynoch) ont servi de jauges de chambre. L’état de surface de la chambre alésée est bon sans être parfait. Pour rendre la chambre « miroir » un polissage sera indispensable.
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]Remarque : les bras de la photo ne sont pas les miens mais ceux de mon père. C’est un jeune retraité de l’industrie qui a bossé 40 ans dans la mécanique de précision. Si je suis assez à l’aise en conception, sa grande expérience des procédés de fabrication m’est d’un immense secours dans ce projet.
Une fois le canon débarrassé de ses copeaux, il a été revissé sur le boîtier de culasse pour les premiers tests de chambrage. Une cartouche inerte a été introduite dans la chambre et là, comble de l’horreur : en remontant, le bloc de culasse ne ferme pas et se coince sur le culot de la cartouche. Nous avons pris le temps de revérifier les différentes côtes pilotant la feuillure de l’arme et nous somme arrivés à la conclusion que le problème ne venait pas de là. En fait, la face avant du bloc de culasse comporte un très léger arrondi destiné à permettre sa remontée. Après avoir rectifié très légèrement cet arrondi (quelques centièmes), le problème à disparu. La culasse ferme sans difficultés et je peux affirmer que l’espace de feuillure est minimal.
Pour terminer ce très long épisode, une photo de l’action canonnée avec une cartouche inerte en cours de chambrage. En remontant la crosse, il serait possible de faire feu… Par contre, les passages de l’extracteur n’étant pas encore usinés, il faudrait sortir la douille tirée à l’aide d’une baguette.
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]Episode suivant : rien de certain à ce jour, le scénario n’est pas encore écrit….
…. A priori garde-main et canon flottant.