Revolver Basque ONA cal 44 de mon grand-père

Historique  :


Angel était mon grand-père maternel, forgeron dans un petit village au fond de l’Estrémadure du début 20e siècle aux années 1960.  J’ai toujours passé mes vacances chez lui à la forge et vous imaginez la caverne d’Ali-baba que pouvait être pour un jeune garçon le gros tiroir sous l’établi : Il était plein d’authentiques rapières, d’épées maures rouillées et de dagues du XVe . Toutes ces armes me servaient à combattre les ennemis cachés dans le grand figuier de l’arrière cour de la forge .
Quand j’avais bien combattu ( et accessoirement pris un coup de pied aux fesses d’un de mes oncles pour avoir décapité les branches du figuier:( ) j’avais le droit de me reposer en tirant la chaîne du soufflet…Germinal n’était pas loin je vous le dis...
Quand j’ai grandi un peu, Angel a consenti à me montrer un vieux revolver comme il en a beaucoup traîné en Espagne à la suite de la guerre civile.
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Un des oncles qui travaillait avec lui l’avait bricolé , je suppose que le chien d’origine avait été cassé et ils en avaient monté un autre approchant qui ne fonctionnait pas en SA et qui avait une course très faible de moins de 1cm en DA. Le barillet ne tournait pas et la détente ne revenait pas seule.
Mais peu importait, ce n’était pas pour tirer, et c’était déjà mieux que les cimeterres mauresques pour s’attaquer aux ennemis tapis dans le grand figuier….
Comme mon grand père allait s’arrêter définitivement et qu’il voyait que ce revolver me faisait vraiment envie…il me l’a donné en cadeau quand j’avais 14 ans
Et il est resté à rouiller et attendre patiemment que j’apprenne quelques rudiments d’armurerie et de gravure pour le décorer, puis d’ébénisterie pour lui faire un coffret . Patient, ça il l’a été : près de 50 ans !!!
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Mais les armes n'ont pas la notion du temps qui passe....

Voici le révolver sorti d'un sommeil de 50 ans, c'est pas la Belle au bois dormant  
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J’ai réussi  il y a 3 ans à retrouver les côtes et photos du chien qui devait être monté à l’origine, grâce à un ami collectionneur qui en possède un et qui a l’a gentiment démonté et m’en a fait une photo avec les côtes.
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Il a fallu l’usiner dans l’acier, à la scie, lime , perceuse , faire le petit levier de la DA,
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tourner la chaînette qui accroche le grand ressort,
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ajuster la portée de la détente sur le chien . Puis il a fallu lui faire un percuteur et le centrer et quand ça été terminé il a fallu refaire le ressort de la détente et la came qui commande le rebond du chien lorsqu’on relâche la détente. Là ça prend quelques lignes mais il m’a fallu une paire de mois ( je travaille doucement)

Après lui avoir fait des plaquettes de crosse en phacochère, et l'avoir un peu poli il était enfin prêt à être gravé :
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La gravure, je l’ai faite l’année qui a suivi en 2018:   Ce revolver basque de fin 19e avait été fait à Eibar , qui est le village basque où se concentrait l’industrie armurière .   Ils avaient eu des commandes importantes pour livrer des armes de poing ( de qualité + ou – égale) aux gouvernements Français, Anglais et Italiens au cours de la 1ere  Guerre Mondiale
Ils ont un peu « copié » les armes américaines , en fait comme Smith&Wesson n’avait pas déposé de brevet en Espagne , ils ont fait breveter le revolver ONA qui était très ressemblant extérieurement mais utilisait le mécanisme qu’ils avaient l’habitude d’usiner pour les Bulldogs et les petits revolvers à broche style belge ... Ils ont le gros défaut de ne pas avoir le barillet bloqué lorsque le chien est au repos, il risque donc de tourner accidentellement et on pourrait venir percuter une chambre qui a déjà été tirée …économique en cartouches , mais un peu gênant .
Mais bon, ils étaient 3 fois moins chers que les modèles américains et il s’en est beaucoup vendu pour Cuba, les pays d’Amérique centrale et le Brésil
S&W s’est empressé de déposer ses brevets à l’international, mais les basques avaient déjà fabriqué quelques milliers de ces ONA.
Ce revolver a été réglementaire dans l’armée Espagnole ( fin 19e début 20e) en calibre 44 corto ,et ils ont du en sortir pour les anglais en .450 .Pour le marché civil il était nickelé , sinon  pour les militaires il était bronzé avec des plaquettes en caoutchouc dur.
Le mien chambre les 44 russian : [Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien]



Je n’ai trouvé quelques rares exemples de gravures basques : [Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien]
mais j’ai trouvé ça un peu chargé , trop d’or  et le style me plaisait moins que celui plus évolué des graveurs américains du 19e siècle.

J’ai donc décidé de copier ce «  New York style » sur ce revolver qui était déjà la copie du S&W , comme ça on était raccord.
J'avais vu sur le web ce beau revolver S&W Russian chez Julia qui avait été gravé par Nimscke :
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J'ai donc déssiné un projet adapté au "Abuelo Angel" en utilisant ce style avec de larges rinceaux et des fonds perlés:
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une paire de mois après :
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 J'aime bien ce style pour les armes de cette époque , c'est devenu un "classique" de la gravure :
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Bon ce n'est pas du Nimschke mais mon vieux revolver a l'air plus guilleret depuis que je lui ravalé la façade

Maintenant il lui manquait un petit coffret pour le loger au chaud....

Cet hiver j’ai entrepris de le loger dans un coffret , j’ai donc cherché et ne trouvant pas pile la taille , il a fallu le faire dans le noyer d’une tête de lit, un vieux lit d’époque 2nd empire , pour être presque dans la période su revolver .
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Je viens de le terminer et je vous le montre donc : Tout neuf , poli blanc et gravé et logé comme un prince . Je me suis aussi un peu amusé sur l’affiche : Sur la bande de visée du canon ils avaient gravé en toutes petites lettres :
SMITH& WESSON American cartridges are to be used for our model of revolver
Un propriétaire hispanophone aurait pensé grâce à ce marquage posséder un vrai S&W
J’ai repris la même phrase sur l’affiche , au premier coup d’œil on dirait un S&W mais plus bas on lit en petit le nom du fabriquant Trocaola Hnos qui a beaucoup travaillé en tant que sous-traitant pour Orbea.
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Voilà pour la petite « histoire » de ce vieux révolver. Je suis certain que beaucoup d’entre vous en possèdent une arme qui leur vient d’un père, d’un grand-père ou autre bisaïeul… vous pourrez donc comprendre l’attachement et le prix qu’on peut accorder à une telle arme. Même si elle n’est pas d’une rareté ou d’une valeur exceptionnelle son prix sentimental est énorme. Et en plus j’ai maintenant un cadeau à transmettre à l’aîné de mes petits enfants qui va sur ses 13 ans.

J’espère que le petit reportage de cette restauration vous a plu , si vous voulez quelques images de la façon dont c’est gravé , j’ai mis une petite vidéo ici.

J’adore ce revolver, vous l’aurez compris, je n’ai pas encore tiré avec car il me reste à résoudre un problème d’indexation sur une paire de chambres . Mais déjà à blanc avec des cartouches en PN c’est assez sympa.
J’adore son cliquetis en armant le chien et lorsque je le fais ainsi fonctionner à vide , je suis à la fois le vénérable patriarche Angel ( qui avait eu 12 enfants ) et le petit garçon qui visait les ennemis cachés dans le figuier de la forge . seulement 50ans me séparent des deux...
( Cf le couteau dans la poche de Philippe Delerm)

très beau

jean21 a écrit:

très beau

je dirais même MaGniFique
et l'arme (ou autre objet) d'un parent c'est tout simplement important (très important pour une valeur autre que pécuniaire)
encore une fois

Superbe !!!!!!
veritable travail d'orfevrerie .
J'aimerais tant etre capable de faire un pareil travail
Bravo !............

J'ai la mâchoire qui est décrochée... Et je bave...


Félicitation!

Hello,
Oh la la ! Quelle magnifique oeuvre de restauration !
JL

Merci , merci messieurs pour vos gentils commentaires
Je suis ravi que cette restauration vous ait plu

Superbe ! Que dis-je ...magnifique restauration ! Du grand art ! Ton serait certainement fière de toi et heureux de voir ce que tu en a fait !
Bravo l'artiste !

Magnifique comme toujours !

L'arme, le coffret, et l'histoire qui va avec d'ailleurs

magnifique restauration tu peux être fier de toi

Salut les amis;

Jean Santos

Tu peux être fier de ton travail    

Deux questions:
- avec ton graveur, si tu as un "faux coup de main" comment fais tu pour rattraper l'erreur ?
- c'est quoi cet espèce de coutelas, j'ai déjà vu, mais je ne sais plus où ?

très belle restauration, et une belle histoire à transmettre à ton petit fils !

Pierrot66 a écrit:

Deux questions:
- avec ton graveur, si tu as un "faux coup de main" comment fais tu pour rattraper l'erreur ?
- c'est quoi cet espèce de coutelas, j'ai déjà vu, mais je ne sais plus où ?

Merci Pierrot
Pierrot, ça peut se rattraper , les coupes sont peu profondes, 0,1 à 0,2mm , avec un brunissoir en acie rdur ou en agate on vient rapprocher le metal de l'extérieur de la coupe vers l'intérieur puis on ponce au papier abrasif très fin , on polit et on refait la gravure. C'est assez long, on évite de déraper en ayant des outils TRES BIEN affûtés ; si la pointe rentre bien dans l'acier elle s'ancre et normalement tu ne sors pas de la coupe...sauf accident en cas de cassure de la pointe. On utilise donc d'excellents aciers pour faire les burins !

C'est une dague de San Francisco,  une "push dagger" dague à pousser . surtout utilisée par les joueurs de cartes qui pouvaient la dissimuler facilement  ( c'est plus ou moins contemporain des poings américains )
Je l' avais forgée il y a longtemps, dès que j'ai habité un peu loin des voisins et pu me faire enfin une forge. Mon grand père en avait plusieurs anciennes , du XVe siècle et des rapières avec coquille , ses dagues étaient à ma "taille " et j'ai souvent fait de "l'escrime " avec étant jeune .
Comme il me restait un peu de place dans le coffret je l'ai logée aussi
voici une de ces dagues originales du 19e siècle à San Francisco:

Push dagger:

et la mienne avec une gaine soudée et bleuie à 230° la gravure n'est pas du même style que le revolver et il y a une 15e d'années entre les deux, aujourd'hui je lui aurais fait le style Nimschke

Spoiler:

Merci Biker , oui c'était l'idée : la transmission
Merci  JLH 4590, merci Viking et Marshal, vos commentaires me vont droit au cœur

Moi, ce qui m'étonne en toute ignorance avouée, on dirait que ton outil rentre dans l'acier comme dans du beurre, on dirait que tu ne produiS aucun effort ?
Uniquement manuel ?

chapeau, c'est superbe.

Jean Santos

Merci pour l'information.
Je me souviens maintenant de cette dague; un copain militaire m'avais donné trois boites en métal pour le tir:

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Et dans une il y n'avait une de fabrication chinoise affreuse avec un manche en plastic; je l'ai jetais direct à la poubelle.

travail d'orfévre,respect total

Alors là !!! Depuis le temps que je suis différents forums où des collectionneurs s'essaient à la restauration , je reconnais être totalement bluffé !!
Bravo !!

Bonjour.

J'ai tout lu d'une traite, avec les images, puis la vidéo.

Je suis resté "scotché".

C'est splendide.

Impressionnant, bravo

Arrêtez, vous allez finir par le faire rougir.